Les yeux de Paul Préboist


à Loulou Alacon

Tes yeux sont si globuleux qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les verres de pinard
S'y déverser à pinter tous les soiffards
Tes yeux sont si globuleux que j'en perds la mémoire


A l'ombre des rideaux c'est le pastis troublé
Puis le patron soudain se lève et tes yeux changent
Le mastroquet taille la bavette à l'évier de vidange
Le vin n'est jamais bleu comme il l'est sur les nez


Les vents chassent en vain les miasmes de l'azur
Tes yeux plus que lui lorsqu'une larme y luit Tes
yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le nez n'est jamais si bleu qu'à ses engelures

Mère des Sept douleurs ô chien mouillé
Sept caméras ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de bleu plus noir d'être endeuillé


Tes yeux dans le cinéma ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Benny accroché dans la crèche


Une louche suffit au mois de Mai des mots
Pour tous les bouillons et pour toutes les lavasses
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux


L'enfant accaparé par les belles images
Ecarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'on ouvre une boîte de potage


Cachent-ils des éclairs dans cette vinasse où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme une morue qui meurt en mer en plein mois d'août


J'ai retiré cc radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
0 paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Mérou ma Golconde mes Dindes


Il advint qu'un beau soir mon verre se brisa
Sur des comptoirs que les lavettes essuyèrent
Moi je voyais briller au-milieu de la bière
Les yeux de Paul Préboist Les yeux de Paul Préboist Les yeux de Paul Préboist

 



Pastiche 51, un projet T.A.P.I.N., Lucien Suel (Louis Aragon), Les yeux de Paul Préboist